LE PASTEUR SAMUEL DE PERROUDET
PASTEUR SAMUEL DE PERROUDET (1665-1748) à DIEDENDORF.
Le XVIè siècle, calamiteux pour les habitants du comté de Sarrewerden, s’achève sur une promesse de temps meilleurs : en 1697, le traité de Ryswick restitue aux comtes de Nassau-Sarrewerden, les terres annexées par Louis XIV et rétablit la liberté de religion.
L’église, aussitôt se réorganise, en fondant 4 paroisses luthériennes, à Lorentzen, Keskastel, Pisdorf et Hirschland.
Quant aux réformés disséminés dans les villages du Comté et de la proche Lorraine, ils se réunissent au château de Diedendorf, sous l’égide d’Otto Eberhard Streiff von Lauenstein (ca 1646-1722), qui leur accorde son soutien pour obtenir des Nassau-Sarrebrück, l’autorisation d’engager un pasteur calviniste.
C’est le pasteur Andreas Hey, de la paroisse réformée de Wolfsckirchen qui leur recommande son vicaire, Samuel de Perroudet .
Né en 1665 à Gex (Ain), fils de Jean-jacques de Perroudet, Sieur de Richelieu, ce jeune aristocrate fait ses études en Suisse et maîtrise la langue allemande aussi bien que la française, condition indispensable, pour assurer son ministère à la tête d’une diaspora hétéroclite : aux descendants des huguenots de 1559, viennent s’ajouter, après 1685, d’autres réfugiés du pays de Metz et de Bar-le -Duc, ainsi que de nombreux immigrés suisses, originaires surtout du canton de Berne.
Le nouveau pasteur est accueilli à Diedendorf le 13 décembre 1698. Il prend résidence au château, où Otto Streiff, auquel le liera bientôt une relation d’estime et d’amitié, met également à sa disposition, une salle pour la célébration des offices : «à Diedendorf, les réformés obtinrent l’autorisation de bâtir un église et un presbytère, et il s’en suivit la nomination de M.Samuel Perroudet,…qui en attendant logeait au château et y fit le service», dit une note de Paul Eugène Witz, petit-fils de Frédéric Oberlin, pasteur à Diedendorf de 1840à 1864.
Le 20 avril 1699, Perroudet convoque les «Anciens de l’église» représentants des villages, dont il a la charge : Jean-Pierre Vautrin (de Burbach ?), Jacob Welschhans de Goerlingen, Abraham Grosjean de Kirrberg, Isac Goudelin d’Altwiller, «Isac d’invil» (Freyermuth ? d’Eywiller), Jean Blaise de Rauwiller, Johann Philipp Doern et Michel Grünwald de Diedendorf.
Le châtelain également assiste à cette réunion, qui se tient certainement chez lui, dans la pièce du rez-de-chaussée peut-être, si parfaitement restaurée par l’actuel propriétaire, Jean-Daniel Ludmann. Est-il trop hardi de supposer que les deux gentilshommes et amis tiennent déjà prêt le document qui sera à l’ordre du jour et sur lequel à l’issue des pourparlers, Streiff ajoutera sa signature à celle des Anciens ?
Il s’agit en l’occurrence d’une proposition «spontanée», d’accorder au pasteur un supplément de traitement de 100 florins, que les Anciens, au nom de leurs communes, s’engagent à lui garantir, après avoir loué ses capacités de prédicateur et d’instructeur de la jeunesse, «welche schon ein grosses in ihrem Christentum zugenommen».
A cet effet, sera attribué dorénavant à Perroudet, «unserem geehrten und sehr werten Herrn Pfarrer, zu einer récompense und Ergötzlichkeit» la recette des «Zeichengelder», c.à d. les cotisations des participants à la Sainte Cène, en usage dans les paroisses réformées.
Par la suite, les autorités ecclésiastiques ratifieront cette mesure.
Quant à l’église de Diedendorf, édifiée en 1588 par Johann Streiff von Lauenstein, l’aïeul d’Otto Streiff, elle a subi les outrages du temps et des évènements, mais, contrairement aux idées reçues, la Guerre de Trente Ans, ne l’a pas entièrement démolie : en 1664 y est célébré le mariage de Juliane Streiff et du chevalier Friederich Quadt von Landscron ( domicilié au Lutterbacherhof), et en 1688, Catherine Justine Steyss von Görnitz, l’épouse d’Otto Streiff, morte en couches, y est inhumée. «Im Kirchenchor zu Diedendorf bestattet“, dit le registre paroissial de Wolfskirchen.
Cependant, la voilà écroulée („zerfallen“), si bien que le pasteur et le châtelain conjuguent leurs efforts pour obtenir les autorisations et recueillir les fonds nécessaires à sa restauration.
Cela n’est pas si simple : redoutant une expansion de la religion calviniste, les milieux gouvernementaux tentent de freiner la réalisation du projet : «Die Nassauische Regierung war, wie aus den Akten hervorgeht, jetzt mit Misstrauen den Reformierten gegenüber erfüllt,und warf denselben vor, alles an sich reissen zu wollen“ (Matthis, Leiden..p241). En outre, les émissaires envoyés sur les routes d’Allemagne, de Suisse et de Hollande, en service commandé de mendicité, rencontrent souvent portes closes dans les villes submergées de quêteurs. L’un d’eux est visiblement Michel Grünewald, l’Ancien dont les registres mentionnent qu’il fut «député au synode de Hollande».
Perroudet ajoutera au produit des quêtes un don personnel de 300 florins et c’est Otto Streiff qui complètera de sa poche, le financement des travaux.
L’autorisation pour la reconstruction de l’église est enfin accordée en février 1700, et c’est le 22 août de la même année qu’à lieu son inauguration.
Antérieurement luthérienne, elle n’a pu être rattachée à l’Eglise réformée qu’à deux conditions : acceptation du simulaneum pour les deux confessions protestantes et abandon des prétentions sur l’église de Burbach, qui désormais sera rattachée à la confession d’Augsburg (Matthis p.241).
La cérémonie inaugurale est présidée par le pasteur Hey : «das erste mal in der Diedendorfer Kirche gepredigt Herr Pfarrer Hey von Strassburg,und getauft Johannes Zinck und Anna Hoschar Kind Anna Maria» dit le registre paroissial.
La date de construction du presbytère, dont on a tendance à croire qu’il fut édifié peu après l’église, reste incertaine, au vu des données puisées dans les actes notariés du XVIIIè siècle.
Perroudet a acquis à Diedendorf, une propriété personnelle, à savoir l’actuelle maison n°68, ainsi que des jardins, 4 arpents de prés, 2 arpents de vigne, 35 arpents de terres labourables. Il possède en outre, des terres à Rauwiller et à Kirrberg et 5 arpents de prairies près de l’Ischwald, sur le ban de Wolfskirchen, ainsi qu’il ressort de l’acte de succession de sa veuve en 1752.
Bref, comme ses confrères de l’époque, le pasteur dirige une petite exploitation agricole (4 vaches précise le General Tabelle de 1742, qui le classe parmi les propriétaires aisés), en recourant certainement à la main d’œuvre locale.
Malheureusement l’acte d’achat de ces biens ne figure pas parmi les minutes notariées, si bien qu’au sujet de leur provenance et date d’acquisition, on reste réduit aux conjectures :
Il est probable qu’après être resté pendant quelques années l’hôte de son ami et protecteur Otto Streiff, Perroudet décide de fonder son propre foyer, dès lors que se précisent ses projets matrimoniaux.
Le 23 janvier 1704, à Wolfskirchen, le pasteur Hey bénit l’union de Samuel de Perroudet et d’Ursula, fille de Johann Jacob Altenbürger, pasteur à l’église St Pierre à Bâle, et de Justine Burckhardt et sœur d’Andreas Altenbürger, orfèvre à Strasbourg.
La jeune épouse vient s’établir à Diedendorf où elle donnera naissance à quatre fils, tous décédés en bas âge, et à deux filles dont il sera question ultérieurement.
L’étroitesse des relations du couple avec le châtelain et ses proches est illustrée par les noms des parrains des enfants Perroudet : Otto Streiff lui-même, Heinrich Gottfried von Steyss, Herr zur Görnitz et capitaine des troupes royales prussiennes, Anna von Lützelburg, née Streiff, Charlotte Fréderique Quadt von Landscron, pour n’en citer que quelques uns.
On imagine que le pasteur-gentilhomme, si parfait homme du monde, doit être ressenti par ses ouailles comme l’homme d’un autre monde, trop altier pour fréquenter les chaumières. Du reste, c’est aux Anciens, que le calvinisme confie le soin des visites à domicile, la consolation des affligés, l’aide aux mourants, le pasteur demeurant en retrait dans sa fonction de ministre des cultes et des casuels.
La distance qui sépare Perroudet du peuple apparaît aussi à travers la comparaison des inventaires : face au mobilier fruste et réduit des petites gens, les sièges et fauteuils, les guéridons et tabourets, «Kaffeetischgen» et vitrines, les matelas et couvertures, les nappes imprimées «gebildete Tischtücher», la porcelaine et les verres taillés représentent aux yeux des paroissiens un luxe inconnu, un raffinement exotique, aux antipodes de leurs paillasses et écuelles.
A noter en passant que, suivant la coutume, les héritiers de Perroudet ont certainement soustrait à l’inventaire les pièces les plus précieuses, afin de réduire les taxes sur l’héritage.
Il semble évident, en tous cas, que le pasteur vivait dans l’aisance due à son rang, contrairement aux suppositions de L.Greib, «Sonne und Schild», janv.1927 :
«Er lebte anscheinend nicht gerade in günstigen Vermögensverhältnissen. Sein Einkommen betrug 80 Gulden, 17 Simmer und 2 Sester Hafer, ebensoviel Weizen, dazu Brennholz, der Ertrag von 5 Morgen Wiesen und die Kasualiengelder. Eine Anfrage wegen einer Geldunterstuzung, die 1739 durch einen Verwalter an einem Herrn Lacombe in Leyden/Holland gerichtet wurde, scheint erfolglos geblieben zu sein».
De telles suppliques, dont Wagner, le futur gendre de Perroudet, usera lui aussi tout au long de sa carrière, chantant misère haut et fort, tout en menant à Rauwiller un train de gros paysan (6 chevaux), ont abusé les spécialistes de l’histoire locale, entre autres G. Matthis.
Ce dernier évoque dans ses «Bilder» le surmenage de Perroudet, parcourant sans relâche son vaste domaine, parfois appelé à la fois pour un baptême d’urgence à Goerlingen, et auprès d’un mourant à Altwiller, villages distants d’une bonne vingtaine de kilomètres, ou encore s’évanouissant d’épuisement à diverses reprises, lors de l’administration, en 1721, de la Sainte Cène à 400 communiants réunis au presbytère, car le pasteur relevait de la maladie (et ne voulait pas lâcher les casuels que rapportaient cette cérémonie). «Wochenlang verging kein Tag, an dem er nicht in irgend einem Dorf zu predigen hatte» ajoute Matthis, avec une compassion nourrie de visions trop fragmentaires.
Dans „Kirrberg im Krummen Elsass“ p.149, Albert Girardin corrige finement ce tableau :“ Allzu oft wurden die Kirrberger nicht in Anspruch genommen ,denn Perroudet war kein übereifer und trabte recht gemächlich durch sein weites Revier.“
En fait, une délégation d’Anciens profite en 1723, d’une visite du Comte à Lorentzen, pour aller porter plainte à Sa Grâce en personne : malgré la répartition des tâches pastorales entre Perrroudet et le vicaire Wagner, qui l’assiste depuis 1720, les choses vont de mal en pis.
Ces plaintes sont transmises au pasteur luthérien Gustav Herreschmidt : «….In Besorgung der öffentliche Predigt und Gottesdienst es um vieles unrichtiger und säumiger herging als zuvor. Auch daher weder den deutschen noch französischen Gliedern der Gemeinden das gehörige Genüge geschehe ,sondern beiderseits darüber sich hochlich zu beklagen Ursach hatten….“, qui est prié de convoquer les Anciens des paroisses réformées, pour examiner leurs doléances.
Herrenschmidt doit ensuite s’employer à faire entendre raison aux deux bergers trop négligents et en cas d’insuccès, présenter son rapport.
Bref, Perroudet est un personnage trop indépendant, trop distancié des préjugés et fanatismes de son temps, pour ne pas prendre des libertés avec la sainte discipline, et sa forte personnalité donne du fil à retordre au «Superitendant» dont, en secret, il conteste sans doute l’autorité, n’étant pas de son obédience. Quant aux remontrances du Tiers-Etat, gageons qu’il les considère avec une condescendance légèrement irritée, peu enclin à laisser le peuple faire la loi.
Le vicaire Johann Heinrich Wagner (ca 1699-1765), natif d’Alzey/Palatinat, sera nommé pasteur de Rauwiller en 1723, et épousera Charlotte Marie Madeleine de Perroudet (1708-1787), la fille aînée de Samuel. Ce sont probablement ses ossements, que l’on a récemment découverts sous l’autel de l’église de Rauwiller.
La 2è fille de Perroudet, Dorothée (1713-1784) épousera en 1736 le «tisserand de bas» et aubergiste Samuel Huguenel (ca 1710-1786) de Strasbourg établi à Rauwiller.
Ce dernier n’a pas su entrer dans les grâces de ses beaux-parents, qui lui reprochent son manque de zèle dans l’exercice de son métier et ce qu’ils appellent «seine unrühmliche Oeconomie».
C’est dire que la propension au gaspillage, dont les époux Huguenel sont jugés coupables, est aux yeux du pasteur, une tare sévère, en quoi il rejoint la mentalité de son époque. Pas question de prôner l’évangélique détachement des biens de ce monde !
Aussi pour mettre un frein à l’insouciance du couple, les parents décident de faire leur testament. Ce service peut être assuré à domicile, sur requête à la Landsschreiberey de Neusarrewerden, qui enverra un notaire.
On charge de cette mission Johann Wilhelm Creutzer, qui, dans la matinée du mercredi 8 septembre 1745, se rend à Diedendorf, accompagné de son «scribente fideliter» Johann Carl Finck.
Ils sont accueillis «in deren unteren Wohnstube, mit denen Fenstern auf die Gass aussehend». Fauteuils verts, tables basses, rideaux blancs, le salon a l’air irréel, après la traversée du village aux masures décrépites, et les fonctionnaires sont impressionnés.
En un premier temps, les testataires exposent leurs dernières volontés, et les raisons qui les poussent à faire mettre sous tutelle le futur héritage de leur fille Dorothée, afin que «ihrem Tochtermann noch Tochter nicht das Geringste von denen ihnen zur Helft zukommende Mo-et Immobilien zu handen gelassen….nurdie davon fallende Zinss gereicht und gelassen werden sollen.»
Dans ce but, les autorités sont priées, le moment venu, de pourvoir les «Enkelgen» Huguenel d’un tuteur chargé de l’administration de ces biens.
Au cours de l’entretien; le pasteur et ses hôtes philosophent également sur la vanitas vanitatum, la mort et la resurrection, ce qui fournira au testament un préambule emphatique à souhait et dépassant la tradition observée dans ce genre de document.
Car Creutzer, à qui la réputation d’éloquence de Perroudet fait l’effet d’un défi, est bien décidé à prouver que lui aussi sait manier la langue. Il lui appartient de donner forme aux informations recueillies, et c’est sous sa dictée que Fick, à grand renfort d’arabesques, calligraphiera les cinq pages d’un texte si ampoulé, si contorsionné, qu’on n’y comprend goutte à première lecture.
Dans ce monument superbe, à la gloire de la langue de bois, il est question, entre autres, de la «Nichtig-und Flüchtigkeit der Welt», qui incite les testataires «jedes und besondere von Ihnen, ihre Liebe und unsterbliche Seele, jetzo wie allzeit, sonderlich aber in der Stunde, da sich solche von dem Leibe trennen wird, Ihrem Erlöser und Heyland zu Gnaden, sich selbiger um des theuren Verdienstes anzunehmen und der ewige Freude theilhaftig zu machen, empfehlen, ihre sterbliche und verwessliche Leiber aber der kühlen Erden unser aller Mutter zu recommendiren wollten…»
Bref, le notaire brode à coeur joie, avec la volonté manifeste d’épater (Eindruck schinden, disent le Allemands) et lorsqu’il justifie la mise en tutelle de la prévention de périls futurs, il dérape carrément dans le non-sens avec son «zur Verhütung weiter zu gewartten habender Gefahrde».
Après la rédaction du protocole, lecture est faite aux «beyden testirenden Ehr- Persohnen» : il faut s’assurer que leur «Gemuths-Meynung» correspond à la version Creutzer.
- oui, répondent-ils, prenons la liberté d’orner ce «williges Jawort» d’un sourire en coin de Samuel Perroudet).
Sur quoi sont convoqués les quatre voisins et témoins Michel Frantz, Otto Hauer, Johann Heinrich et le maître d’école Joseph Schneider, qui apposeront au document leur marque ou leur signature.
Décédé le 23 janvier 1748, Samuel Perroudet est inhumé dans l’église de Diedendorf, à gauche de l’allée centrale, près de l’autel. L’inscription latine de sa pierre tombale est effacée depuis longtemps par les pieds des fidèles, mais conservée dans le registre paroissial. Nous en citons la traduction allemande de L.Greib : «Dieser Stein deckt den edeln und ehrwürdigen Herrn Samuel de Perroudet, 50 Jahre lang treueifriger und verdienter Pfarrer der reformierten Kirche zu Diedendorf in der Grafschaft Nassau-Sarrewerden, der 52 Jahre im Pfarramt, 48 Jahre (en réalité 44) im Ehestande fromm und heilig gelebt hat und den 23.Januar 1748 gestorben ist. Sein Leichnam wurde de 26. Januar in diesem Tempel bestattet, seines Alters 82 Jahre. Sein Wahlspruch war : durch Gebet empor zu Gott“.
La veuve n’abandonne pas pour autant ni la fonction de banque de prêts, ni le petit train de culture : comme par le passé, les deux vaches et la génisse, les porcs et les moutons seront soignés par la domestique et les journaliers, les poules et le coq continueront à picorer près du fumier devant la maison, les deux paons, symboles aristocratiques, à faire la roue dans la cour.
Quant aux sans -le -sou du village et des alentours, ils pourront revenir se faire dépanner chez la vieille «Parrin».
Lorsque, le 16 novembre 1752, Ursula Altenbürger va rejoindre son époux sous sa dalle de grès, le gendre J.Heinrich Wagner prend la direction des opérations. Le 13 novembre, il se rend à Harskirchen pour signaler à l’Oberamt le décès de sa belle-mère, et se proposer suivant le désir de ses beaux-parents, dit-il ,comme tuteur des enfants Huguenel, d’autant plus que «sein Schwager und Schwägerin auch selbst ihm declarirt hätten wie sie ihn lieber als einen Frembden dazu annehmen würden.»
En outre, vu que la maison mortuaire n’est plus occupée que par la domestique, il prie les autorités de hâter
Les formalités de la succession, en attendant ,d’autoriser les héritiers à procéder à un inventaire préliminaire.
Six jours plus tard, le notaire Haun se rend à Diedendorf. Dans la maison Perroudet l’attendent,outre les couples Huguenel et Wagner, les échevins locaux Joseph Schneider et Carl Magnus, témoins officiels dans les affaires de succession.
Après avoir lu le testament de 1745, que les époux Huguenel écoutent sans sourciller «welches sie sich gefallen liessen», Haun procède à l’inventaire, puis à la répartition des biens en deux lots égaux : à chacune des filles échoit sa part des bijoux, meubles lingerie, vaisselle, blé avoine, foin, paille, bois, pommes de terre, chanvre, lin, fil (Zwirn), laine, cire et fumier, la valeur estimative de chaque article se trouvant minutieusement comptabilisée.
L’argent liquide, un petit trésor de louis d’or, de ducate et de thaler, où l’on relève aussi «eine rare pièce auf den Frieden von1563 mit Frankreich und den Schweitzern», représente une valeur totale de 406 florins ou Gulden, ce qui correspond approximativement au prix d’une maison de journalier.
La liste des débiteurs fournit le nom de 32 habitants de Diedendorf, Wolfskirchen, Burbach, Kirrberg, Goerlingen, Neusarrewerden, Zollingen, Bischtroff, Postroff, Willer, Kirrwiller, Berg et Thal, dont les emprunts se situent dans une fourchette de 1 à 150 florins. A ces particuliers, s’ajoutent les communes de Diedendorf, Rauwiller et Burbach, redevables chacunes, « laut Amtsspruch » de 5à florins, la dette de Burbach étant classée parmi les prêts non recouvrables ( verlorene Schuld).
Ces sommes dues, environ 1200 florins au total,seront « gemeinsameingetriebenn », puis partagées, comme le produit de la vente du bétail.
Un post-scriptum fait état des joyaux (« Juwelen »), que Dorothée Huguenel a mis en gage chez sa mère contre une somme de 124 florins. Ces bijoux (non spécifiés) lui sont restitués, «es muss aber von Herrn Huguenel seinen Kindern gerichtliche Sicherheit wegen dieser 124 gulden gegeben werden.“
La valeur totale des biens immobiliers s’élève à 2276 gulden, 6 schilling, 3 pfennig, dont seront déduits les 86 florins de «passiv-Schulden» c.à.d les gages de servante, les frais des obsèques et les frais de succession.
Quant aux biens immobiliers, ils restent indivis pour l’instant. Pas de documents au sujet de leur partage, mais en 1759 l’acte de succession de Samuel Muller indique comme propriétaire de la maison voisine (Perroudet) le Rittermeister Almassy, et un acte de 1770 le capitaine Wieland.
En suivant ces pistes, on découvre que Michael d’Almassy, originaire de Hongrie et officier au service de France, est l’époux d’Anna Wieland ,dont les deux frères Johann Conrad (1719-1766), capitaine du Régiment Jenner, et Johann Rudolf (ca 1727-1786), «in holländischen Diensten», sont morts et enterrés à Diedendorf.
Il est donc clair, que la maison Perroudet a été acquise par les enfants du Grosskaufmann Rudolf Wieland de Bâle, peu après le décès de la veuve du pasteur, à laquelle ils sont peut-être apparentés.
Michael d’Almassy, dont deux enfants naissent à Diedendorf en 1753 et 1756, s’établit ensuite à Neusarrewerden, où nous retrouvons, vers 1800, une arrière-petite-fille de Perroudet, au service de cette famille : Sophia Louisa Bentz, «Kammerjungfer bey Frau Oberleutnant Dalmas.»
En conclusion, cette étude, un peu aride sans doute, de l’état de la fortune du pasteur-gentilhomme, modifie quelque peu son portrait, le côté matérialiste du personnage voilant, pour certaines sensibilités, l’auréole qu’on lui attribue.
A quoi l’on peut objecter que les pasteurs banquiers rendaient service à la population, en offrant, pour les transactions, une garantie d’honnêteté et qu’en outre, pour justifier Samuel Perroudet, il suffit de se reporter à la parabole de l’évangile : «faisons fructifier nos talents, à la plus grande gloire de dieu.»
Sources et bibliographie :
- Registres paroissiaux de Diedendorf et Wolfskirchen
- Ouvrage du Dr Gerhard Hein d’après ces paroissiaux
- Actes notariés, archives départementales du Bas-Rhin 6E 35 49
- Notes d’Albert Girardin, prises aux ABR
- Gustave Matthis, «Leiden…» et «Bilder…»
- Wappenbuch der Stadt Basel, tabl.Altenbürger.